Alecks, un Français à la tête de Paper Rex : « C’était spécial de jouer les Champions chez moi »

alecks - Paper Rex (Photo by Colin Young-Wolff/Riot Games)

Après son élimination face à DRX aux Champions, Paper Rex termine la saison 2025 dans le top 4 mondial. Son coach Alexandre « alecks » Sallé revient sur ce parcours, entre satisfaction et frustrations, et trace les ambitions de l’équipe pour 2026.

Tout d’abord, peux-tu nous parler de ce match face à DRX ? Qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

« On avait pourtant très bien démarré la rencontre, mais je pense que les joueurs ont été rattrapés par la nervosité. Dans ce tournoi, il y a eu trop de manches où nous nous sommes fait remonter. Alors quand DRX a commencé à enchaîner, la pression s’est installée, certains joueurs l’ont ressentie plus que d’autres. On avait pourtant les cartes en main, mais il y a eu de la précipitation, des erreurs de communication et des choix trop rapides. C’est clairement un problème de gestion des nerfs. C’est un axe de travail pour l’intersaison, mais il faut aussi rappeler qu’une saison d’esport est faite de hauts et de bas. Nous sommes actuellement dans un moment plus difficile, et malgré cela, finir top 4 reste une performance honorable. »

Vous perdez la première carte en prolongation après un bon départ. Était-ce le tournant du match ?

« Le vrai tournant, pour moi, se joue sur Lotus. Sur l’attaque, les joueurs ont complètement oublié le plan de jeu que nous avions préparé, et c’était décevant. En défense, nous menions 5-3, mais nous avons offert quatre rounds consécutifs à DRX par manque de discipline. C’était très évitable : nous avions les outils pour conclure la map, mais les joueurs se sont précipités. On sentait que la confiance n’était plus là. C’est dans ces moments-là que l’expérience fait la différence, et cette fois, DRX a été plus solide que nous. »

Que dis-tu à tes joueurs après une telle défaite, surtout pour conclure la saison ?

« Je suis partisan du fait que, quand c’est fini, c’est fini. Je ne passe pas de longues heures à revenir sur le match. Ce que je leur ai dit, c’est que j’étais fier d’eux. Ils ont accompli une grande saison. Chaque année, le niveau global s’élève, et réussir à rester dans le top mondial après cinq ans ensemble est déjà une réussite. Bien sûr, on voulait jouer la finale ici à Paris, mais le plus important est de rester constants et d’apprendre de ces moments. Je leur ai aussi rappelé qu’ils joueront encore beaucoup de grandes compétitions et de finales dans leurs carrières. Cette fois-ci, ça n’a pas marché, mais il y aura d’autres occasions. »

Si tu prends un peu de recul, comment juges-tu la saison 2025 de Paper Rex ?

« Mon exigence de base est simple : se qualifier à chaque tournoi international. C’est la condition pour représenter Paper Rex. Louper le premier event a été douloureux, mais derrière, nous avons gagné le Masters de Toronto, ce qui a été incroyable pour tout le groupe. Les Champions sont une déception parce que nous arrivions en bonne forme et nous espérions aller au bout. Mais si on m’avait dit en janvier que nous allions remporter un Masters et finir top 4 mondial, j’aurais signé immédiatement. C’est une saison notée 10/10 sur le papier. Mais connaissant notre niveau de jeu juste avant Paris, je dirais plutôt un 7 ou 8, car nous aurions pu viser encore plus haut. »

Toronto a marqué votre premier titre international. Qu’est-ce que ça a changé pour toi et pour l’équipe ?

« Gagner ce premier trophée était essentiel. Dans l’esport, on est jugé au nombre de titres, et rester trop longtemps sans en gagner finit toujours par peser. À Toronto, nous avons enfin prouvé que nous pouvions le faire, que nous étions capables de battre les meilleurs au monde. Mais paradoxalement, ce succès a aussi généré plus de pression. Certains joueurs ont commencé à penser à un éventuel doublé, et ça ne nous a pas aidés à rester concentrés. Avec le recul, j’aurais peut-être dû orienter cette pression vers un objectif plus clair pour en faire une motivation supplémentaire. C’est une leçon pour l’avenir. »

PatMen a intégré l’équipe cette saison. Qu’apporte-t-il par rapport à Mindfreak ?

« C’est avant tout une question de rôles. Mindfreak est un joueur qui aime voir le jeu de derrière, analyser et réagir. PatMen, lui, est très différent. C’est un rookie avec une mentalité très collective, presque sacrificielle. Il pense beaucoup à aider ses coéquipiers, parfois même trop, au détriment de son propre jeu. C’est une attitude admirable, mais il doit aussi apprendre à prendre plus de place et à assumer des responsabilités personnelles. C’est une étape normale dans le développement d’un jeune joueur, et je pense qu’il va énormément grandir avec nous. »

Est-ce que tu considères cette version de Paper Rex comme la meilleure jusqu’ici ?

« Oui, clairement. Chaque année, les joueurs progressent. Ils savent désormais qu’ils peuvent rivaliser avec les meilleures équipes et même soulever un trophée international. Cela change tout : l’expérience d’avoir déjà gagné apporte une confiance différente, une assurance qui nous manquait par le passé. Je pense que cette version de Paper Rex est la plus aboutie, et je suis convaincu que nous serons encore meilleurs l’année prochaine. »

En tant que Parisien de naissance, jouer ces Champions à Paris a-t-il une saveur particulière ?

« Absolument. Je suis né à Paris, j’ai encore de la famille ici, et certains d’entre eux étaient même présents dans la salle. Pouvoir leur montrer mon travail, même si je ne suis pas sur scène, est une grande fierté. Le public français a été très chaleureux avec moi, malgré mon français un peu rouillé. Je me sens à la fois Singapourien et Français, et c’était vraiment spécial de vivre ce moment dans ma ville natale. J’espère sincèrement pouvoir revenir ici dans le futur. »

Tu parlais d’APAC. Penses-tu que c’est la meilleure région actuellement ?

« Nos meilleures équipes sont excellentes, mais il nous manque encore une forme d’aura, ce petit quelque chose qu’on retrouve chez Fnatic ou G2. Quand ces équipes arrivent dans un tournoi, elles dégagent une confiance, une prestance. Nous n’avons pas encore ça en APAC, mais nous y travaillons. Ce qui est sûr, c’est que nos matchs régionaux sont extrêmement difficiles, car toutes les équipes sont créatives et travaillent très dur. Je suis fier de représenter cette région, et je crois qu’elle va encore grandir dans les années à venir. »

Votre effectif est très international, avec des joueurs issus de plusieurs cultures. Est-ce un handicap ou un atout ?

« Pour moi, c’est un atout énorme. Quand tout le monde vient du même pays, ça peut devenir trop confortable. On se repose sur la proximité culturelle, et parfois, ça nuit au professionnalisme. Avec un roster international, chacun apporte ses expériences, ses différences, et ça enrichit le groupe. Cela pousse les joueurs à sortir de leur zone de confort et à valoriser l’opportunité qu’ils ont. On le voit aussi sur Counter-Strike aujourd’hui : ce sont souvent les équipes internationales qui réussissent. Chez Paper Rex, cette diversité culturelle est une vraie force. »

Un petit pronostic pour la fin du tournoi ?

« Je pense que DRX est en bonne position, notamment parce qu’ils savent jouer Sunset alors que beaucoup d’équipes la bannissent. Je les vois battre Fnatic en BO5, car eux aussi semblent fatigués par la longueur de la saison. Personnellement, je vais supporter les équipes du Pacifique jusqu’au bout. Mon pari, c’est une victoire finale de DRX. »

Enfin, quels sont tes objectifs pour 2026 ?

« L’objectif restera le même : se qualifier à chaque tournoi et prendre du plaisir à jouer. Les Champions ont été trop stressants, je veux que mes joueurs retrouvent plus de fun. Je veux que nous soyons présents partout : au Kickoff, à Santiago, à Londres et à Shanghai. Et bien sûr, si nous pouvons gagner un nouveau trophée en chemin, nous le ferons. Pour moi, sur un plan personnel… perdre un peu de poids (rires). J’ai trop mangé avec le stress cette année, et j’aimerais arriver différent l’an prochain. »

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