Test – Horror Night with Tung Tung Tung Sahur, un jeu d’horreur… absurde ?

Il existe des jeux qui défient toute logique, qui brouillent volontairement les frontières entre le grotesque et le terrifiant, et qui s’installent durablement dans votre mémoire, non pas pour leur perfection technique, mais pour l’étrangeté de l’expérience qu’ils offrent. Horror Night with Tung Tung Tung Sahur fait partie de cette catégorie à part. Un ovni vidéoludique, né de la rencontre improbable entre un folklore bricolé, des mèmes internet éphémères et une volonté manifeste de déstabiliser le joueur.

Ce jeu ne ressemble à rien de ce que j’ai pu voir dans le paysage vidéoludique contemporain. Ce n’est pas un survival horror traditionnel, ni même un “indé arty” qui cherche à séduire par son originalité. Non, Horror Night with Tung Tung Tung Sahur est un cauchemar interactif, parfois fascinant, parfois agaçant, mais toujours surprenant.

Une ambiance comme nulle part ailleurs

Dès l’introduction, le ton est donné. Une caméra VHS tremblotante, une voix off désaccordée qui répète inlassablement : “Tung… Tung… Sahur…” comme une incantation rituelle. En quelques secondes, je suis plongé dans une atmosphère qui évoque autant une vieille cassette retrouvée dans un grenier humide qu’un film amateur de série Z.

La direction artistique joue volontairement sur le kitsch, l’inconfort et le malaise. Textures volontairement sales, lumières stroboscopiques, décors incomplets : tout semble pensé pour désorienter. Et si d’autres jeux souffriraient de ces défauts, ici, cela devient une véritable signature visuelle. Le résultat est une esthétique étrange, presque lynchéenne, qui oscille sans cesse entre l’horreur sérieuse et la parodie consciente.

Certains moments m’ont franchement mis mal à l’aise : un couloir qui se répète à l’infini, une porte qui s’ouvre… sur la même pièce, mais légèrement modifiée, ou encore un téléviseur qui diffuse un prêche religieux incompréhensible. D’autres, en revanche, m’ont arraché un sourire incrédule : voir Tung Sahur surgir d’un frigo ou improviser quelques pas de danse techno avant de disparaître reste une expérience à part.


Tung Sahur, entre terreur et grotesque

Difficile de définir clairement ce qu’est Tung Sahur. Masque difforme, corps bâtonné, yeux globuleux… le monstre a quelque chose de profondément inquiétant, et en même temps, de ridiculement absurde. Sa voix est un mélange déroutant entre chant religieux ralenti, grésillement radio et souffle guttural. Elle envahit les couloirs, se répète en écho, jusqu’à devenir une obsession.

Mais le plus troublant, c’est la manière dont le jeu brouille constamment sa propre logique. Parfois, Tung Sahur est la menace invisible qui vous traque sans relâche, vous obligeant à tendre l’oreille au moindre grincement. D’autres fois, elle semble presque tourner à la blague cosmique, apparaissant dans des situations absurdes qui cassent volontairement l’immersion horrifique. Ce grand écart constant crée un malaise unique : on ne sait jamais si on doit trembler… ou rire.

Un gameplay minimaliste, mais oppressant

Sur le plan jouable, Horror Night with Tung Tung Tung Sahur fait le choix de l’épure. Pas de carte, pas de HUD, très peu d’interactions. Tout repose sur l’exploration d’un bâtiment labyrinthique, qui change de configuration à chaque partie. Les couloirs s’étirent à l’infini, les portes s’ouvrent sur elles-mêmes, les pièces se modifient de manière imprévisible.

Chaque bruit devient une alerte. Le parquet qui grince, un souffle derrière vous, un bruit guttural qui semble se rapprocher… le jeu m’a poussé à jouer avec le casque, lumière éteinte, et je dois admettre que la tension sonore est l’un de ses plus grands atouts.

Cependant, il faut reconnaître que le gameplay peut parfois frustrer. L’absence de repères, l’imprécision des contrôles et l’IA erratique de Tung Sahur entraînent des situations incohérentes. Parfois, la créature me repère à travers les murs ; d’autres fois, je passe à un mètre d’elle sans réaction. Ce manque de régularité casse un peu l’équilibre de la peur, mais participe malgré tout au sentiment de chaos général.


Une narration par le décor et le silence

L’un des choix les plus audacieux du jeu réside dans son absence quasi totale de narration explicite. Pas de cinématiques explicatives, pas de journal à lire. Tout est suggéré par l’environnement.

Au fil de mes errances, j’ai découvert des photos brûlées, des téléviseurs crachotant des sermons, des poèmes griffonnés sur les murs. Tout semble pointer vers une secte obscure, des rituels oubliés et une entité vénérée. Mais jamais le jeu ne donne de réponse claire. Il laisse le joueur dans le doute, jusqu’au dénouement final, où il vous force à faire un choix… dont le sens reste, encore une fois, volontairement opaque.

C’est une démarche qui pourra frustrer ceux qui aiment les histoires bien ficelées, mais qui séduira ceux qui préfèrent reconstruire eux-mêmes le puzzle narratif. Personnellement, j’ai trouvé ce mystère permanent intrigant, même si certaines zones m’ont semblé trop cryptiques pour être véritablement percutantes.


Un mode multijoueur surprenant

Là où je ne m’attendais à rien, Horror Night with Tung Tung Tung Sahur surprend avec un mode multijoueur asymétrique expérimental. Un joueur incarne le survivant, tandis que l’autre contrôle indirectement l’environnement : modification de pièces, déclenchement de sons, manipulation des apparitions de Tung Sahur.

Techniquement, ce mode reste bancal, avec des bugs fréquents et une interface encore confuse. Mais dans le fond, il propose une expérience fascinante. Jouer face à un ami sadique qui transforme votre sortie en mur organique ou déclenche une rafale de rires démoniaques dans vos écouteurs crée des moments de pur malaise. Une mécanique qui mérite d’être peaufinée, mais qui témoigne de l’originalité du projet.


La technique : volontairement sale, parfois trop

Il serait difficile de parler de Horror Night with Tung Tung Tung Sahur sans évoquer sa technique. Le jeu est truffé de bugs, de ralentissements, de textures qui apparaissent brutalement et de modèles parfois approximatifs. Sur PS5, j’ai même eu quelques freezes temporaires.

Mais étrangement, cela ne m’a pas sorti de l’expérience. Au contraire, cette instabilité renforce le côté “cassette maudite”, comme si le jeu lui-même refusait d’être un produit poli et fini. On sent clairement que cette esthétique rugueuse est assumée. Toutefois, certains passages souffrent d’une optimisation trop faible pour être excusés par la simple “intention artistique”.


Une durée de vie courte, mais marquante

L’aventure principale se boucle en une à deux heures, selon votre persévérance face aux énigmes et à la créature. Certains y verront une faiblesse, mais je pense que la brièveté du jeu participe à son efficacité. Prolonger artificiellement l’expérience aurait sans doute dilué la force de son atmosphère.

Pour ceux qui veulent prolonger le cauchemar, le mode multijoueur et la rejouabilité due à la génération procédurale des couloirs apportent un supplément de contenu, même si cela reste limité.


Conclusion : un cauchemar expérimental à réserver aux curieux

Horror Night with Tung Tung Tung Sahur n’est pas un jeu à mettre entre toutes les mains. Son gameplay minimaliste, son esthétique volontairement “sale” et ses bugs assumés rebuteront une bonne partie des joueurs. Mais pour ceux qui acceptent de plonger dans l’étrange, dans l’absurde, dans un univers où l’horreur flirte en permanence avec le grotesque, l’expérience est inoubliable.

Plus qu’un jeu d’horreur, c’est un objet culturel, un reflet des mèmes et des expérimentations vidéoludiques de notre époque. Un titre qui ose, qui déroute, qui fait rire et qui fait peur — parfois dans la même minute.

Un jeu clivant, mais qui a le mérite d’exister et de tenter quelque chose que peu osent aujourd’hui.

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