Solary Académie : un roster qui dérange…

Solary Académie

La structure tourangelle a fait face à une énorme vague de commentaires transphobes après l’annonce de son roster académique. Dans les colonnes de L’Équipe, plusieurs acteurs de la scène ont pris la parole sur le sujet.

Le 18 février dernier, Solary annonçait la composition de son roster féminin pour la saison 2025 de League of Legends. Parmi les cinq joueuses sélectionnées, trois sont transgenres. Une annonce qui a rapidement déclenché une vague de cyberharcèlement et de commentaires transphobes, bien au-delà des frontières françaises et du monde de l’esport.

Une vague de haine contre Solary

La décision de Solary a suscité de nombreuses réactions, notamment sur X (anciennement Twitter), où le post de l’organisation a cumulé près de 20 millions de vues. Beaucoup de commentaires hostiles se sont déguisés en « blagues », alimentant un flot de harcèlement à l’encontre des joueuses concernées.

Face à cette situation, Solary a réagi rapidement par le biais d’un communiqué publié le lendemain : « Une de nos priorités, en tant que structure esport, est avant tout de promouvoir l’inclusivité, de lutter contre le cyberharcèlement et de sensibiliser aux problèmes liés à la santé mentale. Nous ne tolérons aucun propos allant à l’encontre de ces principes, qui devraient être les piliers d’un écosystème sain et respectueux envers tous les acteurs, quel que soit leur genre, leur origine ou leur confession. »

Un cadre compétitif inclusif

Nicolas « Cekean » Canino, coach de Solary Académie, a tenu à rappeler que chaque joueuse répond aux critères du circuit Game Changers de Riot Games, qui vise à offrir un espace compétitif aux « genres marginalisés ». Velouria « Viki » Baty, ancienne capitaine de la section féminine de Vitality, défend ce principe : « L’objectif des Game Changers est de créer un environnement plus inclusif et accessible aux personnes qui subissent des discriminations. Ils ont été créés pour offrir un espace de compétition sain aux femmes et aux minorités de genre, et les femmes trans en font partie. »

Une récupération politique

Le débat a également pris une tournure politique. Tandis que le député LFI Ugo Bernalicis a exprimé son soutien à Solary, Marion Maréchal, figure de l’extrême droite, a vivement critiqué la présence de joueuses transgenres dans l’équipe : « Même dans les compétitions d’esport, ils prennent la place des femmes. » Une rhétorique transphobe rejetée par Charlotte « Cosmïc » Tranquillin, joueuse de Galions Pearl : « Personne ne vole la place de personne. Il n’y a malheureusement pas suffisamment d’équipes pour le nombre de joueuses sur la scène. Il n’est même pas question de joueuses transgenres ou non, c’est un mercato et les meilleures sont prises, c’est tout. »

Aucune différence de niveau

Certains commentaires avancent que les joueuses trans auraient un avantage compétitif. Une idée balayée par Cosmïc : « C’est faux. Si l’on regarde les classements et le palmarès des joueuses présentes actuellement sur la scène, on ne distingue pas d’écrasante majorité d’un côté comme de l’autre. »

Des études académiques vont dans le même sens. Une publication du Journal of Computer-Mediated Communication (Shen et al., 2016) conclut qu’aucune disparité de performance n’existe entre les genres dans l’esport : « La vitesse de progression [des femmes] est au moins aussi rapide que celle des hommes, et parfois même plus rapide. »

Des obstacles supplémentaires

Si les inégalités persistent, elles sont avant tout d’ordre socioculturel. « Dire que les femmes trans ont toujours eu un avantage en ayant été socialisées comme des garçons est une vision trop simpliste », nuance Viki. « Certaines ont peut-être eu plus d’opportunités d’accéder aux jeux vidéo plus jeunes, mais d’autres ont vécu des expériences de rejet, de dysphorie ou d’isolement qui ont pu freiner leur progression. »

Les joueuses trans font même face à des barrières supplémentaires : « Certaines équipes peuvent hésiter à les recruter, non pas à cause de leur niveau, mais par crainte des réactions du public ou du backlash sur les réseaux », explique Viki. « Il y a encore des préjugés qui circulent, et elles peuvent être jugées plus durement lors des tryouts ou en compétition. »

Malgré le climat actuel, l’objectif de Solary et du circuit Game Changers reste clair : ouvrir la scène à plus de diversité et créer un environnement de compétition plus équitable. Une nécessité encore plus criante face à la vague de haine à laquelle l’équipe a dû faire face ces derniers jours.

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