
Depuis quelques années maintenant, le jeu vidéo « cosy » s’est imposé comme un genre à part entière. Exploration tranquille, gestion sans pression, univers bienveillants et thématiques humaines sont devenus les ingrédients clés de nombreuses productions indépendantes. Fruitbus, développé par le studio norvégien Krillbite Studio, s’inscrit pleinement dans cette mouvance. Sorti initialement sur PC avant d’arriver sur consoles, le titre est désormais disponible sur Nintendo Switch, et propose une aventure narrative centrée sur la cuisine, le voyage et le deuil.
Sur le papier, Fruitbus coche beaucoup de cases séduisantes. Une direction artistique mignonne, un food truck à gérer, un monde ouvert à explorer et une histoire touchante autour de la disparition d’une grand-mère. Après plusieurs heures passées sur la version Switch, Fruitbus m’a laissé une impression contrastée, mais pas dénuée de charme. Une expérience imparfaite, parfois maladroite, mais portée par de sincères bonnes intentions.

Un héritage culinaire et émotionnel
Fruitbus débute de manière douce et pédagogique. Le joueur incarne un jeune animal anthropomorphe guidé par sa grand-mère, qui lui apprend les bases de la cuisine à bord de son célèbre food truck. Très rapidement, le jeu opère une ellipse temporelle de dix ans. La grand-mère n’est plus, et le joueur hérite de son précieux Fruitbus, accompagné d’une dernière volonté : retrouver les amis de la défunte et les réunir pour un grand banquet d’adieu.
Cette idée de départ est sans doute l’un des plus beaux atouts du jeu. Fruitbus aborde le thème du deuil avec une grande douceur, sans jamais tomber dans le pathos. Il ne s’agit pas de tristesse écrasante, mais plutôt d’un hommage lumineux, optimiste, presque réconfortant. Le food truck devient alors un lien entre les vivants, un moyen de recréer du lien social et de raviver des souvenirs heureux.
Explorer l’archipel de Gutsum à bord du Fruitbus
L’aventure se déroule dans un monde ouvert composé de plusieurs îles formant l’archipel de Gutsum. Le joueur est libre de s’y déplacer à bord de son camion, qui devient rapidement un compagnon de route indispensable. La conduite du Fruitbus est d’ailleurs l’un des aspects les plus agréables du jeu : le véhicule répond bien, peut se garer quasiment partout, et propose même quelques détails appréciables comme la gestion du frein à main, de l’essence ou de la radio.

Explorer ces îles est un plaisir simple. On y découvre des biomes variés, des points de vue sympathiques et surtout de nouveaux ingrédients à récolter. Pommes, bananes, mangues, piments volcaniques ou encore ananas se trouvent parfois dans des endroits insolites, obligeant le joueur à observer son environnement et à faire preuve d’un minimum d’ingéniosité.
Récolte et cuisine : le cœur du gameplay
Fruitbus se présente comme une aventure culinaire, mais dans les faits, une grande partie du temps est consacrée à la récolte d’ingrédients. Contrairement à d’autres jeux du genre, il n’est pas possible de cultiver ses propres fruits ou légumes. Tout se trouve dans la nature, ce qui implique de parcourir régulièrement de longues distances pour remplir ses stocks.
Cette phase peut se montrer un peu laborieuse, notamment en début de partie, lorsque les ressources sont limitées et que les outils nécessaires (comme la pince à fruits ou la pelle) ne sont pas encore débloqués. Cela demande un certain investissement en temps, mais une fois les habitudes prises et l’inventaire bien rempli, le rythme devient plus agréable.
La cuisine, quant à elle, est volontairement simple. Les recettes reposent sur des actions basiques : poser les fruits sur le plan de travail, les découper, les mélanger ou les mixer avant de servir. Aucun chronomètre, aucune pénalité, aucun stress. Fruitbus mise clairement sur une approche relaxante, accessible à tous, où le plaisir vient du geste plutôt que du défi.

Servir des clients… très patients
Lorsque le food truck est stationné dans une zone habitée, il est possible d’ouvrir le restaurant et d’accueillir des clients. Ces derniers ont des demandes plus ou moins précises, allant de recettes très simples à des commandes plus ouvertes laissant place à l’expérimentation.
Un point appréciable : les clients sont extrêmement patients. Ils attendent sagement leur plat, sans jamais se plaindre, ce qui renforce encore cette atmosphère cosy et bienveillante. Voir un client apprécier une recette, même simple, reste un moment satisfaisant, presque hypnotique.
Le système de rémunération, en revanche, manque parfois de clarté. Les gains semblent dépendre de plusieurs facteurs (nombre d’ingrédients, adéquation avec la demande, synergie entre les fruits), mais le résultat final peut paraître un peu aléatoire. Ce n’est jamais bloquant, mais cela rend la progression financière parfois difficile à anticiper.
Des quêtes simples, mais cohérentes
Pour avancer dans l’histoire, il faut convaincre les amis de la grand-mère de participer au banquet final. Cela passe par des quêtes très simples, souvent basées sur la préparation de plats spécifiques ou la récupération d’objets. Si leur structure reste basique, elles ont le mérite de s’intégrer naturellement dans l’univers du jeu.
Les personnages rencontrés sont attachants, même si leur écriture reste volontairement sobre. L’objectif n’est pas de multiplier les dialogues complexes, mais de créer un sentiment de communauté, de rassemblement progressif autour du souvenir de la grand-mère. De ce point de vue, Fruitbus remplit plutôt bien sa mission.

Une direction artistique charmante
Visuellement, Fruitbus séduit par sa direction artistique douce et colorée, clairement inspirée de productions comme Animal Crossing. Les personnages animaliers sont mignons, expressifs, et l’univers dégage une atmosphère chaleureuse immédiatement identifiable.
La bande-son participe grandement à cette identité. Les musiques sont originales, parfois un peu étranges, mais toujours en accord avec l’ambiance du jeu. Mention spéciale au doublage français de la grand-mère, particulièrement réussi et touchant, même si le contraste avec les autres personnages non doublés peut surprendre au début.
Une expérience technique perfectible sur Switch
Sur Nintendo Switch, Fruitbus montre toutefois ses limites techniques. La distance d’affichage est assez réduite, ce qui nuit parfois à l’exploration et aux panoramas. Quelques ralentissements, bugs visuels et crashs peuvent également survenir, sans être constants, mais suffisamment présents pour rappeler que le portage aurait mérité un peu plus de finition.
Les contrôles à la manette ne sont pas toujours intuitifs non plus, nécessitant parfois des combinaisons de touches peu naturelles pour des actions simples. Rien d’insurmontable, mais une phase d’adaptation est nécessaire.
Ces défauts techniques n’empêchent pas totalement de profiter du jeu, mais ils freinent clairement son potentiel, surtout sur une console hybride comme la Switch.
Une aventure imparfaite, mais sincère
Malgré ses faiblesses, Fruitbus reste une expérience qui peut séduire un certain public. Son absence totale de pression, son approche bienveillante et son thème du deuil traité avec optimisme en font un jeu à part. Il ne cherche jamais à punir le joueur, ni à le mettre en échec. Ici, on joue pour se détendre, pour voyager, pour servir des salades de fruits et créer du lien.
L’aventure peut devenir presque méditative, voire légèrement hypnotique, surtout lors des longues phases de conduite et de cuisine. Fruitbus n’est pas un jeu spectaculaire, ni techniquement impressionnant, mais il possède une âme, et cela se ressent.
Points positifs
- Une thématique du deuil abordée avec douceur et sincérité
- Une direction artistique mignonne et chaleureuse
- Une ambiance cosy sans stress ni contrainte
- La conduite et la cuisine, simples mais plaisantes
- Une bande-son originale et réussie
Points à nuancer
- Une progression parfois lente et axée sur le grind
- Un système économique peu lisible
- Des soucis techniques notables sur Nintendo Switch
- Des contrôles à la manette perfectibles
Conclusion – Un jeu attachant malgré ses limites
Fruitbus est un jeu sympathique, porté par une idée forte et une vraie sensibilité artistique. Il aurait sans doute gagné à être mieux optimisé et davantage peaufiné sur le plan technique, en particulier sur Nintendo Switch. Néanmoins, il reste une expérience cosy honnête, capable d’offrir de jolis moments de calme et de réflexion.
Ce n’est clairement pas un incontournable du genre, mais pour les joueurs sensibles aux ambiances douces, aux récits intimistes et aux jeux sans pression, Fruitbus peut trouver sa place. Une aventure imparfaite, mais touchante, qui mérite qu’on s’y attarde, ne serait-ce que pour son propos et son atmosphère.












