Depuis plus de deux décennies, la scène compétitive de Super Smash Bros. évolue en marge, sans soutien officiel ni reconnaissance institutionnelle. Un cas unique dans l’histoire de l’esport moderne.
Alors que League of Legends et Counter-Strike trônent au sommet de l’esport avec des circuits structurés et des productions dignes d’un spectacle télévisé, Super Smash Bros. Ultimate et Super Smash Bros. Melee font figure d’exception : un écosystème chaotique, mais profondément animé par la passion. Malgré l’absence totale de soutien de Nintendo, la scène Smash continue de vivre. Mieux encore : elle incarne une forme de résistance, de créativité et de communauté unique dans l’univers du jeu compétitif.
Un esport né des fans, pas des éditeurs
Depuis ses débuts dans les années 1990, Super Smash Bros. – dans toutes ses versions, de Melee à Ultimate en passant par les mods comme Project M – n’a jamais reçu de soutien officiel de Nintendo. Pire : la firme japonaise a à plusieurs reprises tenté de faire taire la scène compétitive en envoyant des « cease and desist », en interdisant l’usage d’émulateurs, ou en retirant le jeu de grands événements comme l’EVO.
« [Mang0] a fait bien plus qu’une certaine entreprise appelée Nintendo », lançait Juan « Hungrybox » DeBiedma aux Streamer Awards 2022, dénonçant l’inaction historique de l’éditeur.
Le seul geste de Nintendo, la Panda Cup, censée encadrer une première tentative de circuit officiel, a viré au fiasco. Boycottée après l’annulation du Smash World Tour, elle a précipité une rupture encore plus brutale entre la communauté et l’entreprise.
We are proud to announce our partnership with @NintendoAmerica
— Panda (@PandaGlobal) November 18, 2021
In 2022 Panda will bring the first officially licensed circuit for Super Smash Bros. Ultimate and Super Smash Bros. Melee to North America.
More details for this short series of events with cash prizes coming later. pic.twitter.com/9PdW9ntfd6
Un modèle basé sur la débrouille et la passion
Sans éditeur ni sponsors majeurs, la scène Smash s’autogère avec ses propres moyens. Les cashprizes sont souvent ridicules pour un jeu aussi populaire. Les organisateurs se tournent vers le crowdfunding, et les joueurs pros – même les meilleurs – doivent parfois travailler à côté pour financer leurs déplacements.
C’est cette économie fragile mais résiliente qui forge un environnement unique : des matchs joués à quelques centimètres du public, pas de zone presse, des pros qui discutent, misent et s’entraînent au milieu des fans. Des événements sans barrières, portés par une atmosphère authentique.
« Smash fonctionne parce que tout le monde veut qu’il fonctionne », résume parfaitement l’état d’esprit de la scène.
Des émotions brutes, pas de spectacle aseptisé
Les joueurs Smash ne gagnent pas leur vie avec des millions. Ils jouent pour la gloire, l’honneur et la reconnaissance. Cela donne lieu à des scènes uniques : des cris de joie incontrôlables, des chaises renversées, des saltos de victoire. Le mot « pop-off », né dans la communauté, désigne justement cette explosion d’émotion pure qu’aucun autre jeu ne génère avec autant de sincérité.
Congratulations to @GlutonnySSB, the Pound 2022 Ultimate Champion!
— VGBC (@VGBootCamp) April 25, 2022
THIS is what Smash is all about! pic.twitter.com/Z5TCKpO1u9
Des figures comme Hungrybox ou Ludwig organisent eux-mêmes des tournois ou paient les billets d’avion pour des talents fauchés. C’est cette solidarité – presque militante – qui continue de faire battre le cœur du Smash compétitif.
Une scène sans règles… pour le meilleur et pour le pire
Mais ce modèle sans encadrement a ses dérives. Contrairement aux jeux encadrés par Riot Games ou Valve, Smash repose sur des TO indépendants, avec des règles différentes. Résultat : un climat de flou total, où certaines figures sont bannies dans un tournoi mais autorisées ailleurs.
La scène a notamment été secouée en 2020 par de nombreuses révélations d’abus, de harcèlement et d’actes inappropriés. Un choc pour la communauté, qui a vu sa réputation mise à mal. L’absence de régulation claire a aussi permis la résurgence de certains joueurs controversés, divisant la communauté sur la manière de gérer ces cas.
Des décisions sont souvent prises au tribunal de l’opinion publique, comme pour HAX$, banni après avoir publié des vidéos jugées menaçantes. Sa mort tragique a laissé une partie de la communauté dévastée, se demandant si elle avait été trop loin.
I heard hulk hogan died and immediately thought of this picture of him and Hax pic.twitter.com/Xb7oKjlj3T
— Douglas 🔜Supernova (@Dougie_Bear_) July 24, 2025
Smash, une anomalie qui enrichit le FGC
Malgré ses failles, Smash reste une valeur ajoutée au sein de la fighting game community (FGC). C’est un ovni sans éditeur, sans circuit unifié, sans argent, mais porté par une passion brute et sincère. Si certains jeux de combat cherchent à s’éloigner de Smash pour éviter les polémiques, le jeu reste profondément ancré dans l’imaginaire collectif de la FGC.
Smash ne sera peut-être jamais de retour à l’EVO. Mais il vit, crie, lutte, grandit et tombe – sans jamais disparaître. Pour beaucoup, c’est cette instabilité qui le rend irremplaçable. Pour le meilleur… et parfois pour le pire.
L’EVO en France mais y a ni Smash ni 2XKO à commenter https://t.co/O67olHlZnd pic.twitter.com/vafzMbxYC3
— ES | ib (@Chez_ib) June 28, 2025