Depuis plusieurs années, le jeu vidéo indépendant a trouvé dans la simulation de vie un terrain d’expression particulièrement fertile. L’héritage de Stardew Valley a donné naissance à une multitude de titres centrés sur la ferme, la nature et la culture de légumes en tout genre. Avec Discounty, le studio Crinkle Cut Games, épaulé par l’éditeur PQube, a choisi une voie radicalement différente, mais tout aussi pertinente : celle de la gestion d’un supermarché de proximité, au cœur d’une petite ville à l’identité marquée.
Après plusieurs heures passées manette en main sur Nintendo Switch, je peux le dire sans détour : Discounty est une expérience étonnamment addictive, chaleureuse et intelligente, qui réussit à transformer un quotidien banal – gérer une supérette – en une aventure cosy et narrative particulièrement attachante.
Bienvenue à Blomkest : une petite ville qui compte sur vous
Discounty nous met dans la peau d’un personnage invité par sa tante, Magna, à reprendre les rênes d’un supermarché Discounty dans la petite ville de Blomkest. Contrairement aux clichés du genre, ici pas de grand-parent décédé ni d’héritage tragique : la tante est bien vivante, et les enjeux sont plus humains, presque politiques.
Blomkest est une bourgade isolée, peuplée d’une poignée d’habitants au caractère bien trempé. Si certains se réjouissent de voir le magasin rester ouvert, d’autres se montrent immédiatement méfiants : licenciement d’une ancienne employée, extension du magasin au détriment d’un salon de thé abandonné, horaires jugés trop courts… Les critiques fusent, parfois injustes, souvent amusantes, et participent grandement à la personnalité du jeu.
Ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est que Discounty est profondément scénarisé. Chaque habitant a son mot à dire, ses habitudes, ses exigences, et surtout ses propres problèmes. Prendre le temps de discuter, d’aider, de rendre service devient aussi important que remplir les rayons.
Un gameplay simple, mais redoutablement efficace
Le cœur de Discounty repose sur une boucle de gameplay quotidienne, claire et parfaitement maîtrisée. La journée commence tôt, la boutique ouvre à 9h et ferme à 17h, et il faut impérativement être rentré avant minuit pour sauvegarder. Ce découpage du temps impose un rythme naturel et pousse à optimiser chaque action sans jamais mettre une pression excessive.
La gestion du magasin se divise en plusieurs tâches essentielles :
- Approvisionner les rayons
- Gérer les stocks en arrière-boutique
- Nettoyer le sol
- Recycler les cartons
- Encaisser les clients
- Commander de nouveaux produits
- Améliorer l’agencement et la décoration
Tout cela peut sembler classique, mais Discounty parvient à rendre chaque action gratifiante. Voir les clients déambuler dans les allées, hésiter, puis craquer pour un achat impulsif grâce à une bonne disposition des produits procure un réel sentiment d’accomplissement.
Une idée brillante : l’encaissement manuel
L’une des trouvailles les plus originales de Discounty réside dans son système d’encaissement. Au début de l’aventure, pas de scanner automatique : il faut entrer manuellement les montants à la caisse. Un client achète 6 pommes à 5 unités ? Libre à vous d’écrire 5 x 6… ou directement 30.
Cette mécanique, étonnamment ludique, donne une vraie importance à la rapidité et à la précision. Plus vous encaissez efficacement, plus les clients sont satisfaits, et plus ils attirent d’autres clients. Une idée simple, mais terriblement efficace, qui donne une vraie identité au gameplay.
Des fournisseurs locaux et une progression intelligente
Tout ne s’achète pas en ligne dans Discounty. Certains produits proviennent de fournisseurs locaux : le pêcheur, le fermier, l’usine… Chacun impose des conditions précises avant de collaborer avec vous. Il faudra parfois vendre un certain volume de produits ou remplir des objectifs spécifiques.
Cette relation évolutive avec les fournisseurs est l’un des grands points forts du jeu. En améliorant votre réputation auprès d’eux, vous débloquez :
- des prix plus avantageux
- des stocks plus importants
- de nouveaux produits exclusifs
La progression est progressive, fluide et jamais punitive. Le jeu prend le temps de vous apprendre ses mécaniques avant d’augmenter doucement la complexité.
Une ville vivante et parfaitement dimensionnée
La ville de Blomkest est une réussite. Ni trop grande, ni trop petite, elle évite l’écueil de nombreuses simulations où l’on passe plus de temps à marcher qu’à jouer. Tous les habitants et bâtiments sont visibles sur la carte, ce qui évite les frustrations inutiles.
Certains diront que l’on “tourne en rond”, mais pour un jeu de ce genre, cette compacité est une vraie force. Elle permet de maximiser le temps de jeu utile et de garder un rythme agréable.
Un pixel art superbe et une ambiance soignée
Visuellement, Discounty est un véritable plaisir. Son pixel art coloré, détaillé et expressif donne vie à Blomkest avec une grande efficacité. Chaque zone regorge de petits détails : affiches, objets abandonnés, décorations saisonnières… On sent un véritable soin artistique.
La direction sonore accompagne parfaitement l’ensemble. Les musiques sont discrètes mais efficaces, idéales pour de longues sessions de jeu. Les bruitages, inspirés d’Animal Crossing, ajoutent une touche de charme supplémentaire aux dialogues, d’autant plus que le jeu est intégralement traduit en français, avec une localisation de grande qualité.
Quelques limites, mais rien de rédhibitoire
Comme toute simulation, Discounty peut parfois donner une impression de répétition, notamment lors de longues sessions. C’est pourquoi je recommande d’y jouer par petites touches, sur deux ou trois journées in-game à la fois.
L’absence de contrôles tactiles sur Switch est également un petit regret, notamment pour l’encaissement, qui aurait pu gagner en confort. De légers cafouillages dans certaines manipulations peuvent survenir, mais rien qui ne nuise réellement à l’expérience.
Enfin, comme souvent dans le genre, les amateurs de micro-management très poussé pourraient rester un peu sur leur faim. Discounty préfère clairement une approche accessible et narrative, ce qui correspond parfaitement à son ADN.
Une durée de vie solide et un plaisir constant
Pour une vingtaine d’euros, Discounty offre une excellente durée de vie, avec des dizaines d’heures possibles pour qui souhaite développer pleinement son magasin, découvrir toutes les quêtes et optimiser chaque aspect de la gestion.
Ce qui m’a le plus marqué, c’est ce sentiment constant de progression : on débloque toujours un nouvel objet, un nouveau fournisseur, une nouvelle mécanique. Le jeu réussit à maintenir l’intérêt du joueur sans jamais le brusquer.
Points forts
- Une gestion de supermarché originale et addictive
- Un scénario bien rythmé et étonnamment prenant
- Une direction artistique en pixel art superbe
- Une progression fluide et jamais punitive
- Une traduction française intégrale et soignée
- Une ambiance cosy parfaitement maîtrisée
Points à nuancer
- Une certaine répétitivité sur de très longues sessions
- Un micro-management volontairement simplifié
Conclusion – Une excellente alternative aux simulations de ferme
Discounty est une très belle surprise. En choisissant de placer son gameplay dans un supermarché plutôt que dans un champ de navets, le jeu parvient à se démarquer tout en conservant ce qui fait le charme des simulations de vie cosy.
Addictif, charmant, intelligemment écrit et superbement illustré, Discounty est une excellente porte d’entrée dans le genre, mais aussi une alternative rafraîchissante pour les habitués lassés des fermes et des cultures agricoles. Sans révolutionner la formule, il l’adapte avec justesse et personnalité.
